Titre original :

Montrer au doigt et à l’œil la vérité en chimie aux XVIIe et XVIIIe siècles

  • Langue : Français
  • Discipline : Sciences physiques
  • Identifiant : Inconnu
  • Type de mémoire : Habilitation à diriger des recherches
  • Date de soutenance : 01/01/2010

Résumé en langue originale

L’histoire de la chimie des XVIIe et XVIIIe siècles est l’histoire d’un mouvement qui va du renversement du rapport entre théorie et pratique au renversement du rapport entre physique et chimie, qui va de l’invocation des autorités canoniques de la chimie à leur oubli, d’un passé constamment actualisé à un présent inscrit dans la marche du progrès, de l’invisible au visible, de la philosophie naturelle à la science de la nature, de la chimie comme partie de la philosophie de la nature à la supériorité de la chimie dans les sciences de la nature. Le tournant du XVIIe au XVIIIe siècle est une période décisive de cette histoire où la chimie passe de la reconnaissance institutionnelle à la contestation de son fondement théorique, pour apparaître au final comme la seule partie de la Physique à pouvoir prétendre atteindre la « vérité certaine ». Ce qui se joue alors n’est rien de moins que la redéfinition de ses principes au XVIIe siècle, tels qu’ils s’expriment par exemple dans la chimie saline qui avait la prétention de faire voir à « l’œil et au toucher » la vérité des principes chimiques. Cette période est en fait la dernière étape de l’évolution du rapport entre les deux dimensions – théorique et pratique – dans lesquelles se déploie la chimie, qui a vu, par le développement de l’usage des principes dits seconds, l’ensemble des principes chimiques entrainé vers un réalisme empirique, dont la conséquence a été de priver la chimie de toute cohérence théorique. Contrairement à ce qui est très largement répété dans les histoires de la chimie, l’introduction de considérations mécanistes en chimie à partir des années 1660 doit uniquement être lue comme une expression – parmi d’autres – de la crise profonde qui ébranle alors les fondements de la chimie : le socle de vérités sur lequel s’appuyait la science chimique disparaît au moment même de sa reconnaissance comme science à part entière, au point de devoir, pour certains, être réduite au rang de simple corps de pratiques artisanales. Aussi l’apparition du mécanisme – pas plus celui de Boyle – n’est-elle en réalité responsable du bouleversement que connaît la chimie. La conscience de la faiblesse théorique de la chimie va devenir pour celle-ci promesse de vigueur théorique sur la base de ce qui représente sa force : l’expérience. À la suite de la perte de ce qui fut certitude, le chimiste devient un être à ré-instruire. Un chimiste, tel que Samuel Cottereau Du Clos, illustre parfaitement le passage d’une science chimique comme connaissance des principes à une chimie comme science cette fois du vraisemblable. Saisissant l’occasion offerte par la refonte de l’Académie Royale des Sciences, Wilhelm Homberg, expose sa définition de la chimie en 1702 qui prolonge la position de Du Clos et achève le renversement des statuts de la chimie et de l’explication mécaniste, assurant ainsi la chimie comme, non seulement, une science à part entière mais la seule véritable science de la matière. La chimie apparaît bien, car fermement appuyée sur la pratique expérimentale, comme la vérité certaine dans une physique contestable. La chimie au XVIIIe siècle va cesser d’admettre un ordre, une raison transcendant tous les phénomènes chimiques ; la seule réalité existante est celle qui se manifeste au laboratoire. En ce sens, sans fondement réel se cachant sous les apparences du sensible, sans nature donc, la chimie sort par définition de la philosophie naturelle, pour pratiquer une physique de l’artifice ; un artifice qui ne serait plus une nature continuée puisque c’est bien la nature qui désormais, pour les chimistes, se définit comme artifice continué. Y compris la permanence de thèmes de recherche chrysopoétiques dans la chimie d’alors, par entre autres Jean Hellot, se trouvent prise dans le nouveau rapport instauré entre théorie et pratique chimiques : un (al)chimiste moins guidé par une certaine représentation de la nature que par la conduite de ses affaires au laboratoire ; rendant ainsi compte du discret effacement des recherches sur la Pierre Philosophale par les chimistes, et la césure qui se fait jour entre ces derniers et les amateurs d’un courant alchimique littéraire coupé de la pratique de laboratoire, comme le montre l’étude sur la présence de la chimie dans les dictionnaires et encyclopédies d’alors. La chimie, au milieu du XVIIIe siècle, rayonne, s’installe dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, et revendique – avec raison –, en particulier pour ses travaux sur l’air, le premier rang parmi les sciences physiques, si ce n’est de la nature.

  • Directeur(s) de thèse : Maitte, Bernard

AUTEUR

  • Franckowiak, Rémi
Droits d'auteur : Ce document est protégé en vertu du Code de la Propriété Intellectuelle.
Accès réservé aux membres de l'Université de Lille sur authentification