Lignes, courbes et mouvement. La danse, entre abstraction et représentation
Lines, curves and movement. Dance, between abstraction and representation
- Lignes
- Courbe
- Mouvement
- Gaga
- Abstraction
- Jacopo Godani
- Danse -- 21e siècle
- Mouvement (esthétique)
- Corps (philosophie)
- Lines
- Curves
- Movement
- Gaga
- Abstraction
- Jacopo Godani
- Langue : Français
- Discipline : Philosophie
- Identifiant : 2024ULILH041
- Type de thèse : Doctorat
- Date de soutenance : 27/11/2024
Résumé en langue originale
Une ligne dessinée semble abstraite et ne rien représenter. Mais il suffit de la courber pour l'informer : elle devient la ligne d'un corps, suggérant certaines formes, questionnant ainsi la frontière entre représentation et abstraction. Courber une ligne crée du mouvement et anime ainsi une chose inerte, faisant écho à la danse : elle meut le corps, courbe et brise ses lignes ou en crée de nouvelles. Le mouvement dansé construit et déconstruit ainsi tour à tour l'allure du corps humain, l'informant tout en le déformant. Nous l'observerons dans le travail du chorégraphe Jacopo Godani : il insuffle une étrangeté aux corps de ses interprètes, dont la distorsion fait apparaître des lignes et des courbes qui semblent ne jamais avoir existé dans un corps humain. La pensée d'Henri Michaux sur la ligne éclaire ce propos : elle embrasse un mouvement propre, menant la main davantage qu'elle ne mène le crayon. Ce mouvement n'est pas soumis à une intention, mais crée la sienne propre, sans visée formelle a priori. Cela fait écho au Gaga, méthode de recherche de mouvement à partir des sensations corporelles créée par le chorégraphe Ohad Naharin. Le mouvement procède du vécu corporel plutôt qu'il ne l'induit : les sensations le font émerger du corps qu'elles traversent. Un tel mouvement est « présentiel » en opposition au «finalisé », selon la distinction d'Erwin Straus : il s'accomplit comme un acte de présence, procédant de façon spécifique au corps qui le réalise. Cela nous oriente alors vers la pensée de la Gestaltung d'Henri Maldiney, qui ancre le mouvement dans le domaine du sentir, par lequel « nous sommes en communication avec les phénomènes » de façon sensible et pré-conceptuelle. L'enjeu philosophique de cette thèse est donc de mettre des mots sur le mode d'être corporel et non langagier qu'est le mouvement dansé, afin d'en proposer une compréhension qui s'affranchit du rapport sémiotique au langage corporel et en embrasse la dimension vécue. Plutôt que de le penser à travers les catégories d'abstraction et de représentation, nous envisageons la frontière qui les sépare comme le lieu d'un seuil, d'une tension féconde à partir de laquelle émerge un faire-sens propre à l'expérience corporelle, dans ses dimensions les plus ambiguës et paradoxales.
Résumé traduit
A line may seem abstract and does not represent anything. But curving it is enough to inform it : it becomes a body's line suggesting forms that question the frontier between representation and abstraction. Curving a line creates movement and brings something inert to life, echoing dance : it moves the body, curves and breaks its lines or creates new ones. A danced movement shapes and dismantle in turns the human body's image, informing it yet distorting it. On can observe such a phenomenon through choreographer Jacopo Godani's work : he injects a sense of strangeness within his dancers' bodies, whose distorsion allows lines and curves to appear as if they have never existed before within a human body. Henri Michaux's conception of the line enlightens this saying : it follows into its own movement, rather leading the hand than the pen. This movement is not subjected to an intention, but creates its own, without any beforehand goal. This echoes Gaga, a movement research technique based on bodily sensations and created by choreographer Ohad Naharin. Movement proceeds from a living body rather than being a causal mechanism : sensations allow it to emerge from a body. Such a movement is called « presential » as opposed with « finalised » in Erwin Straus' conception : it happens as an act of presence, leading the body to move through its own way. This brings us to Henri Maldiney's Gestaltung theory, embedding movement into the ability to feel - not feeling something, but feeling absolutely -, through which one communicates with phenomenons, in a sensitive and pre-conceptual way. This thesis' philosophical concern is to put words on a moving way of being that is not of language, as danced movement is not to be translated, so it should be freed from semiotics and embrace its living dimension. Rather than separated categories, the frontier between abstraction and representation is viewed as a threshold, a fertile tension from which a bodily sense of meaning can emerge, through its most ambiguous and paradoxical dimensions.
- Directeur(s) de thèse : Boissière, Anne
- Président de jury : Chèvremont, Alexandre
- Membre(s) de jury : Messori, Rita - Chénetier, Marion
- Rapporteur(s) : Morant, Alix de - Kristensen, Stefan
- Laboratoire : Centre d'étude des arts contemporains (Villeneuve-d'Ascq, Nord)
- École doctorale : École doctorale Sciences de l'homme et de la société (Lille ; 2006-....)
AUTEUR
- Bui khac, Xuân-Lan