Titre original :

La violence aux urgences : une ethnographie du travail soignant

Titre traduit :

Violence in the emergency room : an ethnography of nursing work

Mots-clés en français :
  • Démédicalisation
  • Travail soignant
  • Sanitarisation de la violence

  • Hôpitaux -- Services des urgences
  • Enquêtes de terrain (ethnologie)
  • Violence dans les hôpitaux
  • Violence en milieu de travail
  • Interaction sociale
  • Problèmes sociaux
Mots-clés en anglais :
  • Ethnography
  • Violence
  • Hospital
  • Work
  • Interactionism
  • Demedicalization

  • Langue : Français
  • Discipline : Sociologie et démographie
  • Identifiant : 2021LILUA027
  • Type de thèse : Doctorat
  • Date de soutenance : 01/12/2021

Résumé en langue originale

Comment se caractérise la violence aux urgences ? Visant à déconstruire la visionunilatérale, asymétrique, spectaculaire et sécuritaire véhiculée par les discours politicomédiatiques, cette thèse donne à voir une violence polysémique et symétrique, dontl’expérience est partagée par les soignant∙e∙s et les patient∙e∙s. Inscrite dans uneperspective interactionniste, elle repose sur une enquête ethnographique menéede 2016 à 2018 dans deux services d’urgence d’hôpitaux publics non universitaires dedeux villes de taille moyenne du nord de la France.La recherche examine d’abord l’organisation du travail aux urgences de jour et de nuit,de l’accueil à l’hospitalisation en passant par le déchocage et le renvoi à domicile. Lesmultiples formes de délégation du « sale boulot » révèlent une tendance à ladémédicalisation de ces services, symptomatique d’une progressive spécialisationautour de la régulation de la violence dite « sociale ». Le décalage entre la fonctionmanifeste des urgences, qui consiste à « sauver des vies », et leur fonction latente deprise en charge de cette violence « sociale » participe alors à produire une violenceinstitutionnelle. Ainsi, les urgences sont une institution qui est à la fois terrain del’expression de la violence, et productrice de violence.Après avoir décrit les formes de violence ordinaire aux urgences, la thèse examine lafaçon dont l’institution hospitalière se saisit de cette question, mais aussi dont lessoignant∙e∙s y font face de manière individuelle et collective. La stratégie institutionnellede sécurisation des lieux se concrétise par la fermeture des portes des urgences auxaccompagnateurs et accompagnatrices, et par la présence accrue de personnels desécurité. Ces dispositifs réinterrogent l’organisation du travail. Ils nécessitent souventune organisation informelle de l’équipe soignante qui se traduit par du « bricolage » etpar le floutage des frontières professionnelles. Ces arrangements interrogent le sens dutravail et de la professionnalité des soignant∙e∙s : ils impliquent des repositionnementsindividuels et collectifs et des questionnements déontologiques sur la missiond’hospitalité, d’accessibilité et de service public du collectif soignant craignant de plusen plus de devenir « violent malgré lui ».L’analyse des conditions de production de la violence permise par l’ethnographie dutravail soignant montre ensuite que les urgences sont au croisement de divers rapportssociaux de domination. Cela produit un ethos viriliste propre aux urgences, à mi-cheminentre l’ethos chirurgical techniciste qui sauve des vies, d’une part, et l’ethos sécuritairede contrôle social des forces de l’ordre, d’autre part, que nous proposons de nommerl’ethos oxyologique.Finalement, ouvrant la réflexion aux logiques de guichet et à la sociologie des groupesprofessionnels, ainsi qu’aux formes inégalitaires d’accès aux soins d’urgence, cettethèse contribue à la sociologie du travail autant qu’elle éclaire l’organisation du systèmede santé en France.

Résumé traduit

What is the nature of violence in emergency rooms (ER)? Aiming to deconstruct the unilateral, asymmetrical, spectacular, and security-oriented vision conveyed by political-media discourses, this thesis provides a view of a polysemic and symmetrical violence, the experience of which is shared by caregivers and patients. Inscribed in an interactionist perspective, it is based on an ethnographic research conducted from 2016 to 2018 in two emergency departments of non-university public hospitals in two medium-sized cities in northern France. The research first examines the organization of work in day and night emergency departments, from reception to hospitalization, including critical emergency and discharge home. The multiple forms of delegation of the "dirty work" reveal a tendency towards demedicalisation of these services, symptomatic of a progressive specialisation around the regulation of so-called "social" violence. The discrepancy between the manifest function of ER, which consists in "saving lives", and their latent function of taking charge of this "social" violence then contributes to producing institutional violence. Thus, the emergency room is an institution that is both a place for the expression of violence and one producing violence. After describing the forms of ordinary violence in the emergency room, the thesis examines how the hospital institution deals with this issue, but also how caregivers deal with it individually and collectively. The institutional strategy of securing the premises is concretised by the closing of the doors of the emergency room to accompanying persons, and by the increased presence of security personnel. These measures re-examine the organization of work. They often require an informal organization of the health care team which results in "tinkering" and the blurring of professional boundaries. These arrangements question the meaning of the work and professionalism of caregivers: they imply individual and collective repositioning and deontological questioning of the mission of hospitality, accessibility and public service of the caregivers increasingly fearful of becoming “violent against their will”. The analysis of the conditions of production of violence allowed by the ethnography of the nursing work then shows that the emergency room is at the crossroads of various social relations of domination. This produces a virilist ethos specific to ER, halfway between the technicist surgical ethos that saves lives, on the one hand, and the security ethos of social control of the police, on the other, which we propose to call the oxyological ethos. Finally, by opening the reflection to the street level bureaucracy and to the sociology of professional groups, as well as to the unequal forms of access to emergency care, this thesis contributes to the sociology of work as much as it sheds light on the organization of the health system in France.

  • Directeur(s) de thèse : Sainsaulieu, Ivan
  • Président de jury : Loriol, Marc
  • Membre(s) de jury : Arborio, Anne-Marie - Schepens, Florent
  • Rapporteur(s) : Paillet, Anne - Spire, Alexis
  • Laboratoire : Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé)
  • École doctorale : École doctorale Sciences économiques, sociales, de l'aménagement et du management (Lille ; 1992-....)

AUTEUR

  • Ridel, Déborah
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